Mon emploi du temps est très chargé. 25 heures d'atelier et 15 heures de cours. Et pourtant, l'angoisse ne me quitte pas ! Les premières semaines sont particulièrement dures. J'écris presque tous les jours, demandant des nouvelles. Le fait que ce soit mon oncle Albert qui me réponde, m'affole. Les nouvelles qu'il me donne de ma pauvre maman sont trop rassurantes, et je sais qu'il me ment.
" ta mère va bien. elle va si bien qu'elle est allée à Grenoble, chez Cossé et Marie qui viennent d'avoir une petite fille.".... Dans ce cas, pourquoi n'est-ce pas maman qui m'écrit ? Pas même une carte postale ! Elle sait pourtant écrire, maman !
J'écris aussi à mon père, lui affirmant que je me plais bien en internat, que je travaille bien, de manière à le distraire de ses tristes pensées, et de lui ôter tous soucis à mon sujet.
Aux récréations, je reste seul dans un angle de la cour. Je n'ai pas encore de véritables amis.. C'est le soir, pourtant, au moment de l'extinction des feux, que je souffre le plus.
- Je vais m'en taper une !
Le sommier de mon voisin Armand, bouge comme presque tous les soirs. Je l'écoute remuer et gémir. Après quoi, Armand ne tarde pas à s'endormir. Alors, j'enfouis ma tête sous les couvertures, et là, dans le noir absolu où personne ne peut m'entendre, mon coeur éclate et je pleure silencieusement.
En classe et en atelier, j'étonne mes maîtres par mon acharnement au travail. Je ne partage pas les plaisanteries de mes camarades internes qui me trouvent trop adulte. Cet état dépressif va durer jusqu'aux vacances de Noël.
De la gare à la Tour du Treuil, je cours malgré ma lourde valise remplie de linge sale, heurte violemmet la porte d'entrée et crie:
- C'est moi !
Je me jette littéralement au cou de ma mère, la serre dans mes bras comme le plus précieux des trésors. A suivre...........