C'est mon grand-père qui m'a accompagné à Annecy, le plus proche centre d'apprentissage où l'on enseigne le métier de tailleur. Nous voici tous les deux devant une grande batisse qui ressemble à une prison.
- Je t'attends ici.
Grand-père ne parlant pas assez bien le français, préfère m'attendre sur un banc, d'autant plus que ses jambes lui font mal, et que sans sa canne....
Je sonne, pousse une immense porte et me retrouve dans un vaste hall d'entrée.. Personne ! Mon regard est attiré par un panneau de marbre fixé au mur, où sont gravés les noms d'anciens élèves "morts pour la France". La liste est impressionnante.
- D'où sors-tu toi ?
Je sursaute et dois lever la tête pour regarder cet homme grand et maigre qui m'a interpellé. Ces yeux sont glauques et expriment un grand étonnement.
- Je viens m'inscrire au centre.
- Non ! Déjà ! Tu ignores que la rentrée a eu lieu il y a deux semaines ?
- Je suis d'Allevard, dans l'Isère, et c'est seulement hier, que ma mère a reçu de l'académie de Grenoble une lettre indiquant qu'il y avait un centre d'apprentissage à Annecy.
- Et où elle est, ta mère ?
- Elle est malade. C'est mon grand-père qui m'a accompagné. Il ne peut pas bien marcher. Il m'attend dehors.
Le grand homme essaye d'apercevoir le grand-père en question, puis, me regardant à nouveau:
- Pour quelle section ?
- Tailleur d'habit.
- Tu ne pouvais pas le dire tout de suite ? Ca change tout, ça !
On dirait que ce monsieur s'humanise. Ce monsieur, je l'apprendrais bientôt,c'est le surveillant général.
- Veux-tu voir l'atelier ?
Sans attendre ma réponse, il m'invite à le suivre par un simple mouvement de menton. Un dédal de couloirs, cinq ou six marches d'escaliers, une porte enfin sur laquelle le surveillant général frappe puis entre sans attendre la réponse.
D'un seul coup d'oeil, j'aperçois une dizaine de jeunes apprentis, dont quatre jeunes filles,assis sur de grandes tables, leurs jambes croisées disparessant sous des monceaux de tissus.
Au milieu de la pièce, un homme d'une cinquantaine d'années qui parait minuscule à côté du surveillant général nous regarde étonné.
A suivre....