Pour ne pas me fatiguer la vue, maman a mis un linge rouge autour de l'abat-jour. Je suis anxieux, mais content d' être malade ! Comme ça, tout le monde est gentil avec moi ! J'écoute les bruits d'en bas. J'entends le bruit du couvercle du fourneau qu'on soulève pour le bourrer de sciure afin qu'il puisse répendre sa bonne chaleur dans toute la maison. L'hiver, en effet, les tuyaux de la cuisinière font office de chauffage central. Ils partent verticalement vers le plafond de la cuisine qu'ils traversent, longent toujours verticalement le mur de la chambre des grands-parents, et là, près du plafond, ils traversent la cloison et se prolongent sur trois ou quatre mètres dans la chambre des garçons avant de s'emboiter dans le trou de la cheminée. La chambre est donc convenablement chauffée.
A tour de rôle, maman et mémé viennent me voir. Elles montent l'escalier sans faire de bruit pour le cas ou je dormirais. Papa monte à son tour, sans prendre le temps de se laver, abasourdi et effrayé d'apprendre que je suis au lit avec une forte fièvre.
- Où as-tu boubou ?
Il arrive à papa de me parler comme quand j'étais bébé. Le docteur arrive au moment ou tout le monde est à table. papa et maman étant restés chez ma mémé. Il reste très longtemps à mon chevet, regarde ma gorge avec une lampe de poche, m'ouvre un oeil tout grand, m'appuit sur le ventre, me fait respirer et tousser ce qui est pour moi une véritable torture.
- Qu'est-ce qu'il a ? demande maman.
- Une pneumonie.
- C'est grave ?
Au lieu de répondre, le médecin me tapote la joue.
- Tâche de bien dormir mon petit bonhomme.
D'en bas me parviennent des chuchotements, et très longemps après, j'entends le bruit du moteur de l'auto qui s'en va, emmenant mon papa qui profite de la voiture pour acheter les médicaments. C'est drôlement bien d'être au chaud dans le lit quand il fait froid et nuit dehors. J'entends la porte s'ouvrir à nouveau. C'est sans doute papa qui revient. Très vite, maman me fait avaler des gouttes diluées dans un verre d'eau, puis elle m'apporte un bouillon de poireaux très chaud. Ensuite, malgré mes cris et protestations véhémentes, elle m'introduit un suppositoire dans mon trou de derrière ! Tout le monde se couche de bonne heure. Cossé s'en est sans doute allé dormir à l'autre maison, car c'est dans son lit que papa et maman se couchent et Arlette dort dans la chambre de la mémé. A suivre.....