Nous sommes vendredi. Demain, papa viendra en bicyclette comme il le fait tous les samedis après-midi voir et consoler sa victoire. Ils sont gentils, mon oncle Albert et sa femme Joséphine, de la garder chez eux, malade comme elle est !
- Le travail que je vous donne ! gémit souvent maman.
- Tu parles ! répond Albert qui aime beaucoup sa soeur et qui a peur, lui aussi, comme moi, comme papa, comme toute la famille, de la voir partir si jeune !
Ses crises d'asthme sont terribles et lui fatigue le coeur.C'est ce qui inquiète le plus le docteur qui devient pensif.
- Ecoutez. Si vous le permettez, je vais demander à un confrère de venir vous examiner. Cela s'appelle une consultation. Elle pourrait avoir lieu cette après-midi.
- Je veux bien, soupir maman.
Une consultation ! Dans les familles de pauvres, cela veut dire que la maladie doit être terrible et la médecine impuissante à guérir ! Le vélo de mon oncle est appuyé contre le tronc d'un pommier. D'un mouvement de menton, il me le désigne:
- Vas chercher ton papa.
Je pédale à toute vitesse, franchissant en moins d'une heure les 20 km qui sépare Allevard de Chapareillan. Arrivé non loin de la maison, j'aperçois mon père avec d'autres ouvriers, assis dans la benne d'un camion prêt à partir. Lui ausi, m'a vu ! Son sang se retire de son visage qui devient cadavérique.
- Arrête ! hurle-t-il au chauffeur. Il saute de la benne, saisit mon bras qu'il serre fortement. Il croit au pire ! Il bégaye:
- C'est fini ?
- Mais non papa ! il n'est rien arrivé du tout !
Un soupir de soulagement gonfle la poitrine de mon père qui pense enfin à m'enlacer et me couvrir de baisers.
- C'est le docteur Roux qui veut faire une consultation à maman avec son confrère, cet après-midi. Il veut te voir.
- Partez sans moi, dit-il au chauffeur qui ne savait que faire.
Mémé pousse un cri terrible en me voyant entrer avec mon père. Elle a la même pensée qu'avait eu papa tout à l'heure.
- Qué passa ?
- Rien mémé ! Il ne se passe rien !
Je la serra dans mes bras, la couvre de baisers
- Et moi qui suis ici, sans pouvoir la soigner ! A suivre